Voici mon discours d’introduction de la séance des 28-29 Janvier 2021, au nom du groupe majoritaire de gauche « Finistère et Solidaires » :
Madame la Présidente,
Cher.e.s collègues,
Au nom de l’ensemble des élus Finistère et Solidaire, j’adresse également tous nos vœux aux finistériennes et finistériens, à l’ensemble des élus départementaux et aux agents de notre collectivité.
Depuis les dernières élections départementales de 2015, nous – les 54 élus départementaux du Finistère – sommes réunis aujourd’hui une 6ème fois pour adopter le budget annuel de notre collectivité. Mais cette 6ème séance budgétaire sera-elle la dernière avant le renouvellement électoral de notre assemblée ? Rien n’est moins sûr car dans la période rythmée par les crises, s’installe une culture de l’incertitude tant sur l’évolution sanitaire que sur la durée de notre mandat au service des finistériennes et des finistériens. Quoi qu’il en soit, notre majorité reste pleinement opérationnelle pour assurer ses missions et porter les politiques publiques – notamment de solidarité – envers nos concitoyens.
La démocratie, au-delà des crises qu’elles soient sanitaires, économiques et sociale comme aujourd’hui ou politique comme outre-Atlantique, doit perdurer et perdurera. Aussi, j’en appelle à un principe fondamental pour les élus de notre pays : la responsabilité. La responsabilité de garantir une vitalité démocratique pour que les valeurs fondamentales de notre Constitution soient préservées de toute stratégie politique voire politicienne. En plein état d’urgence sanitaire, la santé des françaises et des français est bien entendu une priorité absolue. C’est pourquoi, il m’apparait indispensable que l’ensemble des mesures de protection des électeurs pour des scrutins départementaux et régionaux qui doivent s’organiser cette année soient anticipées au maximum.
Le fonctionnement de la démocratie c’est aussi garantir un fonctionnement de notre assemblée départementale et, au nom du groupe “Finistère et Solidaires”, je salue le travail mené par l’ensemble des équipes du Département qui ont œuvré à ce que nos réunions délibératives et leurs préparations aient pu se tenir dans des modalités nouvelles par le numérique. En 2020, nos 4 séances plénières et nos 10 commissions permanentes ont pu se tenir – dans des modalités nouvelles depuis Mars -, adoptant 614 délibérations dont 93% à l’unanimité. Certes, comme les finistériens, nous aimerions tant pouvoir retrouver des fonctionnements “d’avant” en nous réunissant dans la salle des délibérations mais nous soutenons pleinement votre décision prudente Madame la Présidente de préserver la santé des élus départementaux et de l’ensemble des services de l’assemblée en tenant cette séance en visio-conférence.
Cette capacité de préparation et d’adaptation, nous aurions aimé la voir également à l’échelle nationale dans la gestion de la crise sanitaire. Malheureusement, nous ne pouvons que constater, avec grand nombre de nos concitoyens, que nous sommes face à une accumulation de décisions qui bien souvent ne sont pas anticipées et parfois manquent de concertation.
Je ne suis ni médecin, ni expert sur les questions sanitaires et je suis plutôt dans une logique de confiance envers les responsables sanitaires en la matière. Je ne pourrai donc pas juger légitimement si les décisions quant aux gestes barrières, à l’évolution de la pandémie ou encore la stratégie médicale de vaccination sont les plus efficaces ou les plus pertinentes. Néanmoins, l’accumulation des demandes d’efforts permanents est pesante pour tout le monde : confinement généralisé, inutilité puis nécessité des masques, limitations de déplacement puis absence de règle sur les mobilités, instauration de couvre-feu territorialisés puis globalisés, obligation de télétravail puis assouplissement, fermeture des lieux jugés non essentiels puis réouvertures partielles, ouverture des commerces mais fermeture des lieux de culture, … Bref, la liste est longue et à chaque nouvelle annonce, l’interrogation quant à l’acceptation sociale de nouvelles règles est de plus en plus forte.
Nous sommes abreuvés de chiffres, de concepts sanitaires nouveaux, de comparaisons entre pays qui montrent l’absence de cohérence internationale sur une pandémie dont le virus s’interroge peu quant à la nationalité des êtres humains. Je partage l’éventuelle difficulté du gouvernement de pouvoir prévoir l’évolution d’une pandémie qui, malheureusement, est imprévisible. En revanche, c’est un manque de clairvoyance qui, à mes yeux, fait défaut : quels sont les critères pris en compte pour décider ? Chaque semaine sont produites des cartes multicolores de notre pays : taux d’incidence, taux de contamination, taux de vaccination etc… A quoi bon présenter les différences entre départements sur le plan sanitaire quand les mesures sont prises et appliquées pour l’ensemble du territoire ?
Personnellement, si je devais conseiller le gouvernement, des ministères ou les membres de la majorité présidentielle, je leur suggèrerais de faire davantage confiance aux territoires et de ne pas infantiliser les français. Cet été, la lutte a été rude pour faire accepter que l’accès au littoral n’était pas seulement attendu par les français pour aller jouer avec des bouées ou bronzer sur la plage. Dernièrement, l’argument visant à réduire l’effet “apéro” par un couvre-feu était avancé. Les français sont responsables et doivent être considérés comme tel avec tout le respect qui leur est dû.
Si je devais conseiller le gouvernement ou les membres de la majorité présidentielle, j’aurais le regard porté sur notre jeunesse. C’est avec gravité et grande inquiétude que je lis, que j’entends, que j’échange avec des étudiants et leur détresse est immense. Bien souvent isolés, éloignés de leurs proches, dans des logements non conçus pour y vivre et y travailler toute la journée – transformant les résidences étudiantes en nouvelles prisons -, le seul horizon qui leur est possible reste leur écran d’ordinateur. 1 étudiant sur 5 a eu des idées suicidaires en 2020 et combien ont abandonné leurs études pour survivre socialement, économiquement ou humainement ? Sans de prochaines mesures très fortes, la situation d’un sacrifice de la jeunesse ne pourra que se prolonger et l’inquiétude face à une pénurie de diplômés dans les prochaines années sera grandissante. Comment recruterons-nous des professionnels de la santé, de la sécurité, de l’action sociale dans les prochaines années si nous avons découragé les jeunes dans la poursuite de leurs études ?
C’est avec un vrai plaisir que nous entendrons, une nouvelle fois, l’équipe de jeunes finistériens qui nous partageront leur regard sur la crise sanitaire et adresseront leurs propositions. Certes un grand nombre d’étudiants souffre mais les jeunes nous éclairent aussi de leur regard et même de leurs propositions.
Des propositions certains membres de La République en Marche en faisaient dernièrement en proposant aux étudiants de souscrire dès 18 ans à des prêts bancaires pour s’en sortir… quel irrespect ! Quand certains de nos étudiants n’arrivent plus à se nourrir, à se loger, à se déplacer, à avoir une vie sociale, à construire des projets, la majorité présidentielle leur propose de s’endetter… Ce n’est vraiment pas un projet politique que nous partageons.
Vous l’aurez compris, je ne conseille pas ce gouvernement et avec les élus de la majorité, les présidents et présidente de commissions et vous Madame la Présidente, nous mobilisons tous nos efforts pour apporter localement des solutions avec les compétences et les moyens du Département.
La préparation du budget 2021 dont nous allons échanger ces deux jours est bien évidemment fortement marquée par les crises sanitaires, économiques et sociales que nous traversons depuis près d’un an déjà.
A l’heure où l’action sociale est mobilisée plus fortement, ce sont nos politiques de solidarité que nous portons avec engagement depuis le début du mandat qui doivent faire face à la hausse de situations individuelles de précarité et d’inégalité. Face à cette hausse des dépenses dans le domaine social, nos budgets peuvent-ils suivre réciproquement cette hausse ? Heureusement le pacte de Cahors ou pacte d’étranglement des collectivités locales, a été suspendu pour nous permettre de faire face aux défis majeurs renforcés depuis 2020. Sans un accompagnement fort des territoires dans des aides structurelles plus que conjoncturelles, les prochaines années s’annoncent difficiles pour les Départements.
Certes un plan de relance est lancé par l’Etat et nous y émargeons. Les visites ministérielles s’accumulent d’ailleurs étrangement en Bretagne pour en maximiser les effets d’annonce. Néanmoins, les crédits du plan de relance sont-ils exclusivement des nouveaux moyens alloués aux collectivités ? J’espère que nous ne découvrirons pas prochainement que certains dispositifs de financement de l’Etat s’arrêteront au motif que leurs crédits ont été mobilisés dans le plan de relance.
Pour cela, nos fortes attentes dans les différentes contractualisations, notamment celle en marge de la définition du futur Contrat Plan Etat Région (CPER), perdurent et permettront d’écrire – dans un cadre respectueux des signataires de ce contrat – des engagements financiers sur du moyen terme. De plus, des chantiers nationaux de réflexion autour de la structuration des financements de certaines politiques doivent être engagés : quel financement des politiques de la dépendance ? Comment tendre vers une augmentation et le financement associé du nombre de places dans le secteur de la protection de l’enfance et de la pédo-psychiatrie ? Etudier l’ouverture des droits au RSA pour les jeunes dès 18 ans en accompagnant les Départements par les financements associés ? Permettre des expérimentations locales plus larges sur le revenu de base. Autant de chantiers majeurs pour notre pays et pour notre Département.
Nelson Mandela disait “La pauvreté n’est pas naturelle, ce sont les hommes qui la créent et la tolèrent et ce sont les hommes qui la vaincront. Vaincre la pauvreté n’est pas un acte de charité, c’est un acte de justice”. Combatifs et justes, ce sont des valeurs qui nous animent en portant nos politiques de solidarité en Finistère.
Forts des futures et espérées avancées dans le champ du financement par l’Etat des politiques menées par les Départements, nous pourrions ainsi poursuivre nos trajectoires engagées pour permettre de construire un véritable filet de protection sociale aux finistériennes et finistériens. Ainsi par l’engagement permanent qui est le nôtre, nos politiques concertées et formalisées par nos schémas et dans nos projets volontaristes pour la réduction de la pauvreté et des inégalités ainsi que dans le domaine de la culture, des mobilités, de l’aménagement du territoire en lien avec une protection de l’environnement et le soutien à notre agriculture locale se poursuivront. Les présentations par les collègues de notre majorité au cours de cette séance le rappelleront. Cet engagement est le ciment d’une dynamique qui nous anime depuis 2015 et qui continuera, je n’en doute pas, à nous animer collectivement.