Tribune publiée le 16/01/22 dans le quotidien Le Télégramme : https://www.letelegramme.fr/debats/tribune-2022-annee-de-la-defiance-ou-de-la-confiance-19-01-2022-12906646.php
Au rythme des semaines, des mois mais surtout des années, le climat général français se crispe voire à tendance à cristalliser l’attention des citoyens sur des polémiques ou des faits divers.
Le moindre fait d’actualité est disséqué afin de savoir s’il va agiter une sensibilité idéologique plutôt qu’une autre, une religion plutôt qu’une autre, un territoire plutôt qu’un autre…
La crise sanitaire a vu se développer des pseudo-expertises insoupçonnées dans tous nos entourages. A l’image de ces matchs de football où chaque français devient l’espace de 90 minutes tantôt arbitre tantôt sélectionneur de l’équipe de France, la tendance actuelle n’est plus sportive mais médicale. A quoi bon faire des années d’études de médecine alors qu’en écoutant les chaînes d’information en continu, on peut avoir un avis tranché sur la vaccination, sur l’épidémie voire même les substances pharmacologiques à prescrire ou à proscrire ?
Bref, notre société va mal et, malgré sa récente vocation médicale, peine à se soigner.
Mais que devient la politique face à cela ?
La politique d’aujourd’hui est celle de la séduction permanente – sur des thématiques qui confortent un électorat déjà convaincu – mais certainement pas celle d’essayer de réunir les citoyens, encore moins de “faire société”.
Pourtant la politique et ses élus ont un pouvoir mais aussi un devoir. Tout d’abord, le pouvoir d’accompagner les citoyens, d’expliquer les défis actuels et futurs et de faire des choix pour les habitants qu’ils représentent. En revanche, les élus et la politique au sens noble du terme ont le devoir d’être à la hauteur de la confiance qu’ils ont obtenue lors d’un suffrage.
Cette confiance ne doit pas d’être unilatérale et ponctuelle à l’approche d’élections mais permanente et réciproque.
Dans une société qui va mal et un climat politique qui se tend, certains responsables politiques font le choix d’exploiter ces tensions voire même de brutaliser l’opinion. Difficile ensuite de dénoncer – bien que cela soit parfaitement condamnable – l’augmentation du nombre de faits violents envers les élus. Tout le monde se souvient du “casse-toi pauvre con” de Nicolas Sarkozy en 2008 auquel il convient à présent d’ajouter les insultes aux « illettrées » du Finistère en 2014, les invectives à “ceux qui ne sont rien” en 2017 et en 2022 le fait d’”emmerder” une fraction de français par Emmanuel Macron. Ces propos – indignes d’une fonction présidentielle devant rassembler au lieu de stigmatiser – accroissent hélas la défiance qui s’installe entre les Français et leurs représentants. La hausse constante de l’abstention n’en est pas une cause mais le symptôme.
C’est donc, à l’occasion des vœux que l’on se partage en janvier, que j’exprime celui de faire de 2022 une année où la défiance s’estompe au profit d’une plus grande confiance entre les citoyens eux-mêmes, mais aussi entre les citoyens et ceux qui ont la responsabilité de les gouverner.
Les élus font face à une complexification permanente des politiques publiques. Si tout le monde est semble-t-il facilement devenu médecin en 2020 et 2021, il n’en demeure pas moins que pour devenir experts en PLU, en SCOT, en ZAN ou en SRADDET, ou pour connaître les compétences des collectivités voire de maîtriser le financement des politiques de solidarité, les bancs sont bien vides dans l’opinion. Même si toute la pédagogie nécessaire était déployée, certains sujets sont d’une complexité telle qu’en tentant de simplifier le propos cela se traduirait bien souvent par du simplisme.
Un électeur doit-il tout maîtriser pour réussir à faire confiance ? Sans doute que non. C’est bien pour cela que les citoyens doivent avoir de plus en plus confiance dans leurs élus, afin de leur déléguer certains choix complexes. Avec altruisme et sincérité, les Français doivent choisir des élus qui leur correspondent le mieux sur le plan des valeurs et des idées, et en qui ils peuvent avoir confiance. La transparence de la vie publique peut aider pour contrôler l’action des élus ou en rendant accessible de la donnée publique. Mais cela ne suffit pas. Le rapport de confiance n’est pas si matériel, il est général.
Cette confiance ne se décrète pas, elle se construit notamment par une fidélité idéologique des candidates et candidats, tel le Nord d’une boussole. Une boussole a l’avantage, dans toutes circonstances, de pointer toujours dans la même direction. Encore faudrait-il que tous les responsables politiques disposent d’un vrai cap idéologique pour que la boussole de leurs électeurs confirme le chemin emprunté même lorsqu’il est parsemé d’obstacles. Cela nécessiterait que le personnel politique d’aujourd’hui associe davantage de citoyens, ne tombe ni dans le simplisme ni dans l’exploitation des fractures naissantes dans notre société.
1 partout : la balle au centre ! Citoyens, responsables politiques, hommes et femmes d’hier et d’aujourd’hui, nous tous portons une part de responsabilité. Néanmoins, collectivement nous détenons les clés pour tisser de nouveaux liens ou pour réparer ceux que nous avons abimés.
2022 sera-t-elle cette année, celle du retour à un climat sociétal et politique apaisé ? Il n’appartient qu’à chacun de faire, en confiance, un pas vers l’autre.