
En politique, la manipulation des chiffres et des esprits est parfois légion. Dans le contexte actuel, la clarté idéologique, dont certains depuis 2017 cherchent à gommer les clivages, demeure cruciale.
Non, une politique d’insertion de droite n’est pas la même qu’une politique de gauche. Alors que certains cherchent à construire une 3ème voie visant à feindre un pseudo-rassemblement politique, toute stigmatisation ou objectifs chiffrés très rudes restent étrangers à l’idée que derrière l’insertion il n’y a pas qu’un retour vers l’emploi mais également une remobilisation sociale plus large.
Le Conseil départemental du Finistère cherche depuis 2021 à atteindre des objectifs chiffrés très précis. Alors, 3 000 allocataires du RSA en moins, est-ce un “bon chiffre” ? Marteler que l’objectif 2025 est de 1 000 allocataires de moins, est-ce sociétalement juste, réaliste et responsable ?
En Finistère, 40% des ménages finistériens éligibles au RSA ne le touchent pas, pour diverses raisons. Quels objectifs chiffrés de lutte contre le non-recours sont fixés ? Aucun.
Combien de Finistériens qui basculent dans la précarité et qui ne touchent pas le RSA, le Conseil départemental va-t-il aller chercher et ainsi accompagner vers un quotidien moins difficile ? En 2025, ce sera 1 000 allocataires de moins pour combien de ménages éligibles nouvellement accompagnés en plus ?
Parce que pérorer sur des politiques « efficaces » lorsque l’on réalise un double mutisme sur une dynamique nationale similaire, et l’occultation des 40% d’éligibles non-allocataires, questionne sincèrement sur l’idéologie de la politique d’insertion du Département.
Parallèlement, voir les chiffres bruts des allocataires du RSA baisser, interroge sur les issues du parcours d’insertion de ces allocataires. Le coaching intensif envers les allocataires pour les guider avec force vers l’emploi a-t-il comme issue une insertion professionnelle durable et réussie ? Quid des relances très fortes pour guider les personnes en situation de handicap hors du RSA et bénéficier de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), certes plus avantageuse pour le bénéficiaire mais surtout qui permet de réduire mécaniquement le nombre d’allocataires ? Quid des abandons d’allocataires qui n’ont pas pu instruire sereinement leur démarche, avec humanité et accompagnement, et trop souvent moqués voire stigmatisés ? Ces chiffres précis, réclamés par de nombreux acteurs, demeurent quant à eux, non transparents.
Oui, il existe peut-être différentes voies pour bâtir une politique de l’insertion. La droite et la gauche ont très certainement des différences. On pourra par exemple analyser quelle politique approche l’insertion comme une politique globale de remobilisation et d’insertion sociale – faisant preuve d’anticipation et de prévention -, quand d’autres politiques se contenteront de chiffres, d’une société du « tout travail » excluant toutes celles et ceux qui ponctuellement ou durablement ne pourront jamais travailler (Handicap, éloignement géographique, maladies chroniques, …).
Des expérimentations de renationalisation du RSA ont lieu dans certains départements. Si le Conseil départemental du Finistère approche la politique d’insertion seulement sur des chiffres d’allocataires sans évaluer la dimension de remobilisation sociale, alors, une piste serait d’expérimenter cette renationalisation. Peut-être alors qu’enfin le Département flécherait budgétairement des crédits en faveur de la prévention ou de l’accompagnement social à large spectre – largement abandonnés depuis 2021.
Il n’en demeure pas moins qu’un beau graphique sur des abris bus marquera toujours plus les esprits qu’une réflexion de fond, ancrée sur la réalité et des convictions idéologiques claires. Peut-être hélas que le prêt-à-penser nous gangrène, et que fleuriront de plus en plus ces beaux graphiques. Pendant ce temps-là, les besoins sociaux explosent mais qu’importe, nous avons une belle forêt d’histogrammes colorés et des visages souriants sur les magazines politiques… Triste période.