Monsieur le président, chers collègues,
Au nom du groupe “Finistère et Solidaires”, j’adresse nos meilleurs vœux à l’ensemble des élus et agents de la collectivité, ainsi qu’à l’ensemble des Finistériennes et Finistériens.
D’année en année, de mois en mois voire presque de jour en jour, notre société voit s’intensifier la défiance envers les élus. Il n’y a pas une semaine sans que l’on lise de nouveaux faits d’agressions envers des maires, des élus locaux ou des parlementaires. Hélas, notre département n’est pas épargné et notre groupe apporte son soutien sans distinction à tous les élus qui ont subi ou subissent encore depuis ces dernières heures des violences.
Ce climat de défiance gangrène jour après jour notre société alors que la confiance devrait s’imposer pour rétablir des dialogues apaisés pour “faire société”.
Cette défiance s’accroît au fur et à mesure que le populisme se déploie.
Pour redonner cette confiance que nous appelons de nos vœux, il faut réussir à redonner du sens dans l’action publique. Cet effort de pédagogie qui nous incombe réside majoritairement dans la transparence de la vie publique et le débat d’idée de fond.
Alors que nous nous réunissons aujourd’hui pour l’examen du budget primitif de notre collectivité – le 1er de votre mandature, vous auriez pu Monsieur le président contribuer sur le fond comme sur la forme à cet effort de pédagogie, de lisibilité et de transparence.
Hélas, cette 1ère fois est loin d’être un succès…
A force de promettre depuis des années dans cette même salle que vous allez bâtir un budget alternatif, vous auriez dû faire l’exercice en respectant vos promesses. Cela vous aurait exercé avant d’échouer à ce 1er exercice réel.
Au lieu de cela, vous faites le choix de raccourcir les débats, de raccourcir la production écrite de délibérations, cela témoigne sans doute d’un raccourcissement de votre ambition pour le Finistère.
Des 2 jours de présentation et de débats, d’une soixantaine de délibérations qui présentait la feuille de route précise et détaillée de notre collectivité pour l’année, vous nous imposez 1 journée maximum avec des horaires bornés et 6 maigres rapports pour détailler la répartition du milliard d’euro de notre budget.
En plus d’une forme réduite de ce budget primitif, s’additionne un rapport budgétaire sans profondeur. Des enveloppes budgétaires par politique publique – pas plus. Peu de détails sur les projets couverts par ces enveloppes, peu de détails sur des choix innovants, peu de détails engageant pour votre mandat.
Aucune action forte en faveur de la jeunesse qui souffre tellement de la crise sanitaire.
Aucune action en faveur d’un fonctionnement public plus démocratique avec plus de participation des citoyens alors qu’il nous faut retisser des liens entre action publique et habitants.
Cela fait sans doute écho à votre difficulté à projeter notre collectivité sur du moyen terme, vous réduisant à gérer le Département – non pas à la petite semaine mais à la petite année …
Du concret, nous vous en avons proposé. 10 propositions concrètes en plus de ce qui a déjà été fait par le passé vous ont été présentées lors du Débat d’Orientations Budgétaires le mois dernier :
- créer un village d’enfant pour lier les fratries : rien dans le budget en ce sens
- expérimenter un revenu de base pour les 18-25 ans : rien dans le budget en ce sens
- déployer des solutions de répit pour les aidants : rien dans le budget en ce sens
- installer un collège des transitions : rien
- renforcer le soutien aux coopérations européennes et à Madagascar pour réduire les inégalités climatiques : rien de nouveau dans ce budget
Je me réjouis d’entendre que vous allez étudier une de nos propositions sur la Protection de l’Enfance portée par notre collège Gaëlle Zaneguy. Mais là encore, une intention mais aucune inscription dans le document budgétaire.
Pourtant, engager de nouvelles dépenses, vous le pouvez ! Cette année, le budget de notre collectivité voit l’arrivée de recettes exceptionnelles. Les millions de DMTO, la recette de la fraction de TVA en hausse et l’arrivée de nouveaux financements de la CNSA donnent une réelle capacité d’agir et de relever les défis d’aujourd’hui et de demain sur notre territoire.
Notre collectivité se trouve un peu comme celle d’un foyer qui vient de toucher un héritage ! L’héritage d’une grosse somme d’argent par ces recettes extraordinaires mais aussi l’héritage d’une situation financière saine avec une collectivité désendettée et qui était contrainte à de moults efforts financiers. Mes collègues reviendront plus dans le détail de cette mécanique financière lors de la présentation des orientations budgétaires qui va suivre.
Alors je fais malheureusement l’amer constat d’un budget qui n’est pas à la hauteur des Finistériennes et des Finistériens. Et les 13 millions qui viennent abonder les politiques sociales ne masqueront pas votre manque d’ambition pour garantir un meilleur service public pour nos concitoyens du Département.
Ne fallait-il pas investir pour améliorer les conditions d’accueil des mineurs confiés ? Ne fallait-il pas investir pour adapter les logements des personnes âgées ou handicapées ?
Ne fallait-il pas également consacrer une très large part de cette somme à la rénovation énergétique des logements, des collèges ?
Ne fallait-il pas soutenir davantage les communes dans leurs projets, qui contribuent au bien-vivre des habitants tout en créant de l’emploi et de la valeur ajoutée dans l’économie locale ?
Les DMTO qui explosent témoignent du phénomène de mutation de notre territoire – il convient d’orienter massivement cet argent pour anticiper non seulement les besoins d’aujourd’hui mais surtout de demain.
Nous aurions des choix forts, à la hauteur de cette situation financière exceptionnelle.
Une maxime populaire dit “Gouverner, c’est prévoir”. J’ai le sentiment que pour vous “Gouverner, c’est faire croire” comme le disait Machiavel. Vous donnez l’impression de faire avancer les politiques publiques alors qu’en réalité vous augmentez simplement et sans vision prospective les enveloppes budgétaires car vous avez des recettes massives et nouvelles.
Je vous laisse deviner qui déplorait récemment que triomphe aujourd’hui une vision “esthétique” de la politique “tournée exclusivement vers la conquête du pouvoir” et non son exercice. Cette personne, c’est vous Monsieur le Président dans un livre que vous avez écrit. Il est facile de dénoncer hier ce manque de morale de la politique qui cherche à tout prix à remporter des élections mais j’ai le sentiment que vous tombez facilement dans la “tentation populiste”.
Vos projets nouveaux, votre ambition pour ces politiques publiques vous ne les écrivez pas ou peu, peut-être que vous n’y avez pas encore réfléchi… Dans la grande majorité des cas, vous semblez ne rien changer : dans un document de 77 pages vous utilisez à 65 reprises un vocabulaire qui témoigne de la continuité des politiques, mais sans apporter de détails sur la ventilation budgétaire.
Nous y reviendrons dans nos interventions ce matin et cet après-midi, pour dénoncer la disparition de toute projection de nos politiques sur l’avenir et partager nos inquiétudes quant aux réelles dépenses prévues de notre budget d’1 milliard.
Alors Monsieur le président, si l’heure est hélas au populisme et à la défiance de l’action publique, vous allez aussi dans ce sens en refusant la transparence, la clarté et la lisibilité de votre budget.
S’agissant de votre premier budget, disons là qu’il s’agit sans doute d’une erreur de débutant.
Kévin FAURE, co-président du groupe « Finistère et Solidaires »